Presque 3 ans après sa création, le syndicat d’habitants Alda (« Changer » en basque) soutient 1 000 personnes ou familles du Pays basque. Les activités s’étendent du conseil administratif ou juridique au « débarquement à une quarantaine de personnes le jour du passage de l’huissier parce qu’un propriétaire essaye d’expulser une personne ». Le soutien individuel aux personnes victimes d’injustices constitue le premier volet de l’action d’Alda. Le second consiste à transformer les injustices individuelles en lutte collective.

C’est précisément ce qui s’est passé lorsque Alda a remporté l’une de ses grandes victoires : mettre un coup d’arrêt à l’expansion d’Airbnb au Pays basque.

Le constat global, issu des permanences de l’association, est que le logement est la première problématique touchant les quartiers et les milieux populaires du Pays basque — et d’ailleurs. Fallait-il s’attaquer globalement à cette question ou à des blocs constituant de « gros morceaux » du problème ? La seconde stratégie a rapidement mis en avant la question Airbnb. Le diagnostic réalisé par Alda sur son territoire a chiffré à 6 000 ou 7 000 logements retirés du marché de la location, et donc à la population, par des bailleurs préférant miser sur des locations de courte durée via des plateformes comme Airbnb plus de 120 jours par an. Et encore, c’est une fourchette basse !

Les logements concernés sont majoritairement des petits logements, occupés par les familles monoparentales, les travailleurs précaires, les étudiants… « Inacceptable sur un territoire qui connait déjà une pression immobilière très forte ».

Face à ce constat, Alda a lancé la bataille de la compensation. Ce mécanisme déjà mis en place dans certaines villes, dont Paris et Lyon, est le suivant : un règlement local oblige tout propriétaire souhaitant procéder au changement d’usage d’une habitation en location de courte durée à fournir un logement locatif à l’année de même surface et dans le même secteur.

La mobilisation

Pour Alda, une première étape a été de lancer une grande campagne pour visibiliser et médiatiser la problématique, sensibiliser l’opinion publique, convaincre les élus… Cette étape a été ponctuée d’actions, spectaculaires et symboliques comme une conférence de presse donnée devant un immeuble ne comptant plus que deux logements loués à l’année (sur 14), ou plus insolentes. Alda n’a ainsi pas hésité à procéder à de fausses réservations massives pour le Nouvel An et à mettre une mairie locale en location sur Airbnb durant une nuit pour démontrer que tout est permis sur la plateforme.

La décision politique

98 % des élus de la communauté d’agglomération du Pays basque ont voté au printemps 2022 le mécanisme de compensation, entre autres obligations pour les propriétaires. Depuis le 1er mars 2023, s’applique un nouveau règlement encadrant les meublés de tourisme sur 24 communes. « Étant donné la trajectoire que suivait Airbnb, on estime qu’on a sauvé ou récupéré 20 000 logements », explique une volontaire d’Alda. Énorme !

La victoire juridique

Evidemment, des propriétaires (et multipropriétaires), des sociétés de conciergerie, etc., ont bien tenté des recours devant la justice, contre le règlement. Après une première suspension du règlement en 2022, ils ont été déboutés par le tribunal administratif de Pau, les juges estimant notamment que « l’objectif d’intérêt général que constitue la lutte contre la pénurie de logements ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante ».

Le combat se poursuit

La bataille est-elle pour autant terminée ? À vrai dire, non. Certains propriétaires se croient plus malins et cherchent à contourner le règlement. Alda veille au grain. En juin dernier, l’association a réservé sur la plateforme de locations de courtes durées un appartement pour trois jours… pour en réalité l’occuper durant 5 jours à une vingtaine de militants, à la vue de tous par des bannières donnant sur la rue et en présence des médias locaux. Un propriétaire non respectueux du règlement tel que celui-ci risque aujourd’hui 50 000 € d’amende.

Une représentante d’Alda raconte : « Nous l’avions repéré, tout en sachant qu’il y en a plein d’autres. Il fallait faire un exemple. On est arrivé, on a occupé son Airbnb pendant 5 jours, ça a fait un gros foin médiatique et forcé la mairie à se positionner sur les procédures contre les Airbnb qui fraudent ».

Les propriétaires qui pensent pouvoir passer à travers les mailles du filet sont prévenus !