L’hébergement à titre gratuit considéré comme du concubinage par leur CAF, avec toutes les conséquences que cela implique, dont la perte de droits.

Ehsan et Baqir(1) ont tous deux obtenu le statut de réfugié en France. Ils vivent dans le sud et si le premier a trouvé un emploi en CDI, le second galère, décrochant de temps à autre de petits boulots ubérisés. Ehsan a pu louer un appartement, il héberge Baqir qui, lui, n’a pas de solutions de logement. La situation a été déclarée à leur CAF, via une attestation d’hébergement à titre gratuit, transmise en juin 2021.

Baqir, qui perçoit le RSA, a reçu en mars 2022 un formulaire à remplir de la part de sa CAF intitulé « Hébergement sans lien de parenté », avec au passage la petite mention qui rassure : « Sans réponse de votre part dans un délai d’un mois, vos droits seront suspendus ». Le jeune homme répond, que le logement permet bien deux lieux de vie distincts, qu’il ne participe pas au loyer, mais régulièrement aux dépenses d’électricité (ici nommées « Edf », la CAF pourrait se mettre à la page), d’eau et de nourriture.

Droits suspendus

La très mauvaise surprise tombe en avril : tous les droits de Baqir sont suspendus, sans notification préalable. Pourtant l’hébergement à titre gratuit est bien reconnu et encadré par la protection sociale (voir ci-dessous).

Impossible de contacter la CAF par téléphone, Baqir et une accompagnante associative se replient sur l’espace personnel en ligne, où ils déposent une réclamation, qui pourtant n’apparait jamais nulle part. Fin mai, nouvelle tentative de connexion, qui se révèle impossible. Le site indique : « le dossier est clôturé ».

De son côté, Ehsan découvre son changement de situation également sur son espace personnel du site de la CAF, où la case « Je suis en vie maritale » est cochée. Cerise sur le gâteau, depuis juin 2021, ce qui pour Baqir entraine un indu d’environ 2000€. Promis juré, Ehsan n’avait pourtant rien déclaré ! Il se retrouve en outre seul à pouvoir effectuer l’ensemble des démarches pour les deux réfugiés.

La CAF – ou l’un de ses algorithmes – a donc décrété d’office leur union ! Et ce alors même que Baqir est déjà marié avec des enfants, sa famille étant encore dans son pays d’origine. Aucune question ne leur a jamais été posée, aucun contrôle n’a été effectué, bref une décision purement arbitraire où un allocataire découvre de surcroît une mention « Je » sur son profil.

Le dénouement

Ehsan et Baqir ont eu de la chance dans leur malheur, ils ont pu compter sur une petite association d’aides aux réfugiés, sur la détermination de leur accompagnante et sur la compréhension d’un agent CAF rencontré lors d’un rendez-vous en présentiel. La médiatrice départementale a également été contactée et sans plus de formalisme (ni de notification écrite), les deux comptes allocataires sont revenus « à la normale » et les droits au RSA ont été rétablis au début du mois d’août. Après tout de même trois mois sans ressources pour Baqir.

(1) Les prénoms ont été modifiés pour garantir l’anonymat des témoins

Petite explication

Le site internet caf.fr précise sa définition du concubinage et la vie de couple en trois critères :

  • Partager un même logement
  • Partager financièrement ou matériellement aux charges du ménage (ce qui inclut les tâches quotidiennes)
  • Être considéré de manière connue par l’entourage (mairie, voisins…) comme vivant en couple

Cette situation d’union libre, lorsqu’elle est déclarée (et réelle !), implique effectivement le regroupement des dossiers personnels sous un même numéro et le recalcul des droits.

De leur côté, Ehsan et Baqir n’ont pas failli ni commis d’erreur. Le premier a bien transmis une attestation d’hébergement à titre gratuit aux administrations, le second ne participe pas au paiement du loyer. Et la troisième condition n’est visiblement pas remplie.

L’info en plus

Attention, une personne qui perçoit le RSA et qui est logée gratuitement voit un « forfait logement » automatiquement déduit.

Pour 2022, le montant est de :

  • 71,82€ pour une personne seule
  • 143,65€ pour 2 personnes
  • 177,77€ pour 3 personnes

Soit entre 12% et 16,5% du montant du RSA.